Crise de la dette : où va-t-on ?

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Cher tous,

Les marchés financiers s’affolent, les politiques ne savent plus où donner de la tête, les économistes disent tout et son contraire… Bref, l’été est mouvementé et la situation internationale tendue, c’est le moins que l’on puisse dire ! Ci-dessous, en quelques lignes, une opinion personnelle que je n’ai pas eu l’occasion de lire dans les différents médias et qui reflète un pragmatisme doté peut être d’une pointe de pessimisme.

L’événement fondateur de la panique récente a été la dégradation de la note souveraine américaine par S&P, l’agence de notation américaine (comme le sont les 3 grandes agences, avec Moddy’s et Fitch). En d’autres termes, l’agence émet des doutes sur la capacité américaine à réduire son déficit. Est-ce surprenant ? Absolument pas. Avec un budget en déficit de près de 10% de son PIB (seule la Grèce en Europe fait pire..), une dette publique de plus de 14 000 milliards de dollars (ça fait beaucoup de zéro en effet !), l’Etat américain est un puits sans fond de dettes !

Alors, pourquoi la crédibilité américaine n’a-t-elle pas été remise en question auparavant ? C’est simple, la monnaie américaine est considérée (depuis Bretton Woods qui fixe l’étalon change-or et l’indexation du dollar sur l’or et encore plus depuis que les Etats on renoncé à posséder les contreparties monétaires en or en 1971 pour se contenter de réserves en devises) comme l’actif le plus sûr au monde. Le poids de l’histoire hérité de la Seconde Guerre Mondiale confère aux Etats-Unis un avantage compétitif démentiel aux Etats-Unis que personne n’osait remettre en cause jusque récemment (la Chine notamment qui possède plusieurs milliers de milliards de dollars de réserves a en sa possession une formidable arme pour « détruire » les Etats-Unis en décidant de s’en séparer par exemple).

La crise de 2008 a rebattu les cartes. Les dérives du système financier, largement engendrées et encouragées par Wall Street, ont explosé en plein vol : les sub-primes (crédits immobilier « titrisés » cad revendus en « package » de dettes dont personne ne sait plus assurer la traçabilité) se sont répercutés sur l’économie réelle (assurances puis banques puis diminution des prêts aux entreprises et aux particuliers) et au final sur les Etats qui ont tenté de jouer un rôle d’amortisseur social à la Keynes… Sauf que selon le même Keynes qui prône la relance publique, il est aussi indispensable qu’en des temps de croissance économique, les Etats fassent des « réserves » pour les cas de coup dur. C’est le même mécanisme pour un particulier : quand vous avez des rentrées d’argent importantes, vous en mettez une partie de côté pour les « coups durs ». Alors, pourquoi les Etats ne l’ont ils pas fait ?

C’est le noeud du problème : les économies développées ont toutes mises en place un Etat-providence aux pleins pouvoirs et donc aux pleines responsabilités. Le droit du travail, les prestations sociales, l’éducation pour tous au plus faible prix, les allocations chômage, les régimes de retraites etc rentrent tous dans ce cadres  avec des nuances selon les Etats. A trop bien habituer le citoyen, on provoque son addiction.. En conséquence, les politiques pour être élus ont multiplié les promesses et les dépenses associées, sans jamais se préoccuper des conséquences à long-terme de leurs décisions. Résultat, pour le cas français par exemple, l’Etat (au sens large, cad en incluant les collectivités territoriales qui sont endettées à hauteur de 150Md€ / ndlr : les collectivités territoriales ont une obligation légale de voter leur budget en équilibre sauf pour les dépenses d’investissement, ce qui explique qu’elle soient moins endettées que l’Etat qui se retrouve le prêteur & financeur en dernier recours) doit plus de 1700Md€ aux marchés (seuls 65% de la dette française est détenue par des français) et son budget est déficitaire de 3 à 7% de son PIB (ce qui représente entre 40 et 150Md€ selon les années, pour un budget initial de 250Md€). L’équation budgétaire devient impossible. Alors, comment s’en sortir ?

S’en sortir demande une véritable révolution culturelle des peuples occidentaux. Il faut accepter que l’Etat ne peut pas tout ; en théorie, tout le monde est d’accord. En pratique, cela signifie moins d’intervention budgétaire au sens large : moins de subventions, moins de réductions d’impôts directs ou non (ndlr : les allocations familiales sont une niche sociale par exemple), moins de services rendus à la population. Dans la société dans laquelle nous vivons, cela signifie moins de « confort » au sens traditionnel. De deux choses l’une : soit les populations l’acceptent et pour cela il faut qu’elle puisse considérer que ce n’est pas un « retour en arrière » ou un « recul des acquis sociaux » mais simplement un développement différent non-fondé exclusivement sur l’accroissement de production, soit les systèmes financiers d’aujourd’hui s’écroulent sous le poids des troubles sociaux. A l’heure où j’écris, vu l’état d’esprit des populations et de leurs dirigeants (« tout va très bien Madame la Marquise »), j’ai du mal à croire à la révolution culturelle sachant que le PIB mondial a plus que triplé depuis 1980, fournissant des surcroîts de confort au monde auxquels chacun s’est attaché. Tripler en 30 ans le PIB, est un rythme vertigineux que seul le système financier et ses montages abracadabrantesques ont rendu possible ; avec la nuance de première importance que toute cette richesse disponible est principalement virtuelle, autrement dit elle ne repose sur rien de physique (l’or est un actif physique, une ligne +100 sur un ordinateur de banque centrale non…). Dès lors, quelle suite envisager ?

A mon humble avis (qui va paraître pessimiste aux chantres du marché…), les dirigeants occidentaux tenteront tout pour sauvegarder le système jusqu’à la fin, en continuant les perfusions monétaires massives et les promesses de désendettement (NB : le solde du budget nécessaire pour se désendetter est proportionnel à la différence taux d’intérêt – taux de croissance ; en clair, avec de faibles taux d’intérêt, même si la croissance est faible, vous pouvez vous désendetter avec un déficit budgétaire si le taux d’intérêt est inférieur à la croissance) et les mécanismes spécieux des banques centrales. Un exemple ? La fameuse « planche à billet » que fait actuellement marcher la Banque Centrale Américaine (la Fed) ; la Fed achète des bons du trésor américain (des dollars entrent donc en circulation « gratuitement ») ce qui permet de maintenir les taux d’intérêt bas et donc même avec une faible croissance (cf ci-dessus) permet d’espérer un désendettement de l’Etat fédéral. La Banque Centrale Européenne commence à faire de même avec l’Italie et l’Espagne (après l’avoir déjà faiblement fait, à hauteur de quelques dizaines de milliards contre des milliers de milliards pour les USA, pour la Grèce, l’Irlande et le Portugal). Les Banques Centrales sont les derniers remparts d’un système sous perfusion : les investisseurs ont déjà perdu confiance dans les banques & assurances avec la crise des subprimes, puis dans les Etats et maintenant seules les Banques Centrales peuvent «  » »sauver » » » le système. Quiconque lit ce qui est écrit ci-dessus doit trouver, comme moi, qu’il y a un gros souci à en être réduit à une telle extrémité ! La suite disais-je…

La suite est simple ; le système craquera, dans 6 mois, un an ou deux, peut être davantage. Un Etat ruiné perd, d’après les différents exemples dans l’Histoire, environ 30% de son niveau de vie (NB : il n’y a cependant JAMAIS eu de faillite globale dans l’Histoire juste d’un ou plusieurs pays ne même temps). C’est plus que suffisant pour provoquer des troubles sociaux de grande ampleur ; révolution, guerre civile ou autre, personne ne peut le dire. En tout cas, ce sera violent et désastreux pour les peuples. Il faudra alors réfléchir à un nouveau modèle de société, peut être moins globalisé ou tout du moins différemment. On peut supposer qu’après avoir assisté à un cycle de culture global, le « local » reviendra en force ; des îlots locaux communiquant entre eux par exemple. Il faudrait en tout cas s’y pencher sérieusement, sans attendre le bourreau telles des brebis égarées…

A vouloir monter trop vite et trop haut, l’Homme de l’après Seconde Guerre Mondiale, semble s’être, tel Icare, brûlé les ailes.

A suivre donc.

 

3 Commentaires

  1. Au risque de passer pour un dangereux gauchiste, j’ai des remarques sur ce long exposé intéressant :
    -Vous manquez de prudence en jetant un peu vite à la poubelle l’Etat providence.
    -La lutte contre les inégalités sociales n’est pas une drogue (vous avez parlé d’addiction) mais une concrétisation des idéaux républicains d’égalité et de fraternité. C’est aussi le propre d’une nation solidaire.
    -Pour sauver les Etats, ne faudrait il pas se prêter entre Etats à des taux fixes à 1% ? Il me semble que ce sont les marchés qui prêtent à 15-20% à la Grèce maintenant…Ce n’est pas ce qui s’appelle une aide !
    -Breton woods, n’est ce pas la première dérive libérale qui permet n’importe quelle bulle spéculative ?

    Cordialement

  2. Bonjour,

    Merci pour votre message. Je vais essayer d’y répondre :
    – il ne s’agit pas de jeter l’Etat providence à la poubelle. Ce sont les citoyens qui l’ont voulu et ainsi est né l’Etat-providence. Le « travers » d’un Etat-providence, c’est la difficulté qu’on ensuite les citoyens à accepter que l’Etat ne peut pas tout faire. C’est une question de mesure, mesure que les citoyens (et à leur suite les politiques élus par leurs soins) semblent avoir perdue
    – je n’ai jamais écrit (du moins pas dans l’article sur lequel vous réagissez) que la lutte contre les inégalités sociales est une drogue. La drogue, c’est le « toujours plus » de dépenses dans tous les domaines sans se préoccuper des recettes associés. Le rôle d’un Etat est, à mon sens, fondamentalement, à travers une redistribution des richesses, d’assurer une équité entre citoyens et d’assurer la défense des plus faibles. Au Moyen-Age, les vassaux se réunissait dans les châteaux-forts pour que leur maître assurent leur défense face à l’ennemi. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il acceptait d’être soumis à une autorité. Pour un Etat, c’est grosso modo la même chose, les châteaux forts en moins 🙂
    – Les Etats, via le fonds européen, vont aider la Grèce (mais aussi l’Irlande ou le Portugual) à des taux bien inférieurs (de 4 à 6%). Comme tout prêteur, les Etats veulkent être remboursés ; d’où les inquiétudes allemandes sur les eurobonds (qui mutualisent la dette)
    – Breton Woods est certainement la première des dérives. C’est bien pour cela qu’il faut repenser le système dans son ensemble avant qu’il ne s’écroule…

    Cordialement

  3. La Banque d’Angleterre vient en effet d’annoncer la mise en place de nouvelles mesures économiques, afin d’investir 75 milliards de livres sterling dans des achats d’obligations d’État. Elle justifie sa décision par le fait que son précédent programme d’achat d’obligation avait permis une baisse des taux d’intérêt de 1,5% et provoqué une hausse du produit intérieur brut de l’ordre de 1,5 à 2%.
    Dans le même temps, la BCE décide d’agir sur les établissements financiers européens ; elle mettra ainsi en place un programme de refinancement illimité aux mois d’octobre et de décembre 2011. Banque Centrale Européenne

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