Réseau de chaleur : le contrat qui fait froid dans le dos…

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Le 11 février 2019, le Conseil Municipal était invité à se prononcer sur un contrat de réseau de chaleur (en réutilisant les tuyaux déjà existants depuis les années 80, construits pour la géothermie) en délégation de service public pour une durée de 25 ans. Notre groupe a voté contre : voici les raisons.

La première des remarques est qu’il n’y avait qu’une seule réponse à l’appel d’offres, par le concessionnaire sortant ENGIE Cofely. Lorsqu’il n’y a qu’une seule candidature, qui plus est le concessionnaire sortant, c’est que le cahier des charges est déficient à l’origine. La bonne pratique aurait été de déclarer sans suite le marché, de modifier le cahier des charges avec un autre assistant à maîtrise d’ouvrage, puis de relancer la procédure. Visiblement, cette carence majeure n’a pas inquiété outre mesure la Collectivité, dès lors en position de faiblesse pour la négociation commerciale.

La seconde des remarques c’est l’asymétrie des risques pris, au détriment de la collectivité. C’est surprenant dans un tel contrat. ENGIE Cofely se couvre totalement :

–  si ENGIE n’arrive pas à souscrire 12,8MW alors le contrat est caduc. C’est déjà la puissance de tous les abonnés actuels combinée aux nouveaux prospects : Lycée François Couperin, François Premier, Collège International, Résidence Magitot, les Mines, l’IUT, la Piscine de la Faisanderie, le CEDEP. C’est unique de se couvrir ainsi sur le risque « client ».

la collectivité prend tous les risques amiantes, géologique, hydrologique, pollution … dans les contrats habituels, c’est le délégaire qui prend ces risques. Là, ils reposent sur la collectivité. Le risque amiante dans le bitume est fort par exemple. Si le délégataire doit intervenir quelque part et qu’il découvre quoi que ce soit, la collectivité paiera.

ENGIE demande à revoir le contrat s’il n’obtient pas 90% des subventions escomptées. Les subventions attendues par ENGIE représentent 25% du total des investissements. Or, le propre bureau d’étude de la Ville estime qu’un taux de 20% serait déjà bien en comparaison de ce qui a été accordé ces dernières années. 20% au lieu de 25%, cela fait 80% des subventions escomptées donc la clause de revoyure va s’appliquer et augmenter encore de 2€/MWh le tarif aux abonnés.

La troisième des remarques c’est le prix non compétitif proposé aux abonnés : 

Le contrat est en 2 phases : du 1eravril 2019 au 1ermai 2021 puis 2021-2043.

1èrephase : Le prix moyen affiché est de 74,92€ TTC / MWh. Cette valeur est indexée à la date du 1eravril 2018. Depuis, le prix du gaz a augmenté de l’ordre de 4€/MWh sur le marché du gaz. Avec la formule de révision proposée, rien que sur cette composante de l’indexation (qui passe de 18€ à 22€), on est déjà à +5% de prix au total (sachant qu’Engie prévoit le prix du gaz à 25€/MWh d’ici 2021). Ce n’est donc pas 74,92€ mais plutôt 78 voire 79€/MWh qui seront proposés dès le 1er avril 2019. Une réactualisation plus récente aurait été appréciée pour avoir les éléments de prix.

2èmephase : Une hausse de +10% est programmée du jour au lendemain (+8,44€TTC/MWh). Soit un prix de vente qui grimperait à 88€/MWh avec les valeurs actuelles. Le prix de la chaleur proposé dans les villes disposant d’un réseau de chaleur du même type que le nôtre, à savoir une alimentation par biomasse avec 50% d’énergies renouvelables, est en moyenne de 65,8€/MWh (source : Observatoire prix de vente de la chaleur en 2016). Le prix de la chaleur à Fontainebleau est 33% plus cher qu’ailleurs. Comme le dit le bureau d’études mandaté par la Ville dans son rapport d’analyse des offres, « La compétitivité du prix en phase exploitation est corrélée à une augmentation confirmée de la taxe carbone d’ici 2021 et une augmentation des prix du gaz d’ici 2021. »

La 4èmeremarque concerne les éléments très étonnants trouvés dans le cahier des charges : 

les difficultés de fonctionnement lorsqu’il fait une température inférieure à -1°C. La conséquence est clairement indiquée : les abonnés doivent allumer leur chaudière gaz en cas de température basse. Ils doivent donc payer en supplément cet équipement et son entretien. Le rapport d’analyse des offres le décrit bien « Le réseau permet d’alimenter l’ensemble des abonnés jusqu’à une température extérieure de -1°C. Au dela de cette température, ENGIE propose de conserver les chaufferies de certains abonnés nécessitant des températures secondaires élevées et des les entretenir en contrepartie d’un forfait non explicité dans l’offre. Cela implique un supplément de prix pour ces abonnés ayant des besoins supérieurs à 75°C sur le départ secondaire. »

le stockage bois sur site de la chaufferie n’est que de 40h d’autonomie (impact : 1 camion et demi par jour pour venir livrer…). Classiquement, il est de 72h pour s’assurer que lors des weekends prolongés – par exemple – il n’y a pas de risque de rupture d’approvisionnement !

50% seulement du vieux réseau existant non utilisé depuis le début des années 80 sera rénové sur les 25 prochaines années. Quelle confiance avoir sur cet aspect sachant que le réseau en question a déjà 40 ans ? Certes, cet entretien est à la charge d’ENGIE mais c’est un élément clef dans la relance de l’exploitation du réseau de chaleur…

 – Certaines dépenses dans l’offre sont jugées excessives : 15 sous stations sont nécessaires et sont facturées 47 000€ pièce alors que le prix est plutôt de 30 à 35 000€ (au total 250 000€ facturées en trop !). Idem, il est dit que le concessionnaire ne veut plus raccorder certains clients un temps envisagés mais l’offre inclut des heures de maintenance préventive et corrective sur ces postes (p. 25 analyse du choix du candidat).

L’engagement contractuel d’ENGIE concerne seulement 50% d’énergie renouvelable alors que son offre est tarifiée comme s’il y en avait 2/3… A combien le taux réel de chaleur renouvelable s’élèvera-t-il ? Mystère.

En résumé : Une seule candidature, un contrat pour 25 ans dans lequel la collectivité prend la majeure partie des risques pour le compte d’ENGIE (y compris financier avec le risque d’amiante dans les bitumes), un prix de vente de l’énergie supérieur de +30% par rapport aux réseaux de chaleur avec caractéristiques similaires (sans même considérer l’option gaz naturel par chaudière individuelle) et un système dont la robustesse est mise en question dès que les températures descendent en dessous de -1°C obligeant ainsi les abonnés à garder leur chaudière gaz (dont l’entretien, la maintenance et le renouvellement leur sera facturé).

Nous avons proposé de déclarer sans suite cet appel d’offres, proposition non retenue par la majorité municipale qui a approuvé comme un seul homme le contrat.

Rapport d’analyse de l’offre (bureau d’étude mandaté par la Ville)

Contrat de Délégation de Service Public

Annexes au Contrat