Affaire EGS : La Ville condamnée à verser près de 350 000€ pour rupture unilatérale de contrat

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Cher tous,

Il est des moments où la communication municipale est beaucoup moins efficace que d’autres, surtout lorsqu’elle devient gênante… C’est par exemple le cas pour l’affaire EGS. Cette affaire, qui remonte à l’arrivée de Frédéric Valletoux à la tête de la Ville de Fontainebleau, concerne la gestion du Marché.

Entre 1991 et jusque fin 2006, le Marché Saint-Louis était exploité par la société EGS dans le cadre d’une convention de sous-convention avec le gestionnaire de parkings de l’époque (GIS Parc). A partir de 1995 jusqu’en 2004, l’exploitation se faisait dans le cadre d’une délégation de service public relativement flou (c’est le moins que l’on puisse dire). A compter de 2004, le cadre contractuel – toujours informel – régissant les relations entre la Ville et EGS se faisait par une délégation de service public sans affermage des droits de place (autrement dit, la Ville récupérait les recettes des droits de place et reversait à la fin de l’année ce qui était dû à EGS).

En 2006, Frédéric Valletoux a décidé de mettre fin à la gestion du Marché par EGS pour reprendre l’exploitation sous forme de régie municipale (autrement dit, une gestion directe par la Commune plutôt que déléguée à un tiers). La Cour Administrative d’Appel de Paris l’explique « par un courrier du 10 novembre 2006, le maire de Fontainebleau a demandé à la SA EGS de cesser d’exercer son service et lui a interdit, sans délai,  » de gérer le marché forain  » ; que, le 16 novembre 2006, la SA EGS a réclamé à la commune le versement d’une somme de 200 000 euros en lui indiquant, notamment, qu’elle s’était contentée de répondre à des missions que lui a confiées la commune ; que, le 24 novembre 2006, le maire de la commune a rejeté la demande de la SA EGS et, à nouveau, lui a demandé de cesser l’exploitation du marché forain ; qu’il résulte de l’instruction, et en particulier du rapport de l’expert, que la SA EGS a cessé d’exploiter le marché Saint-Louis le 31 décembre 2006, date à laquelle la commune de Fontainebleau a mis en place une régie municipale pour la gestion du marché forain« . Autrement dit, la Municipalité a décidé de rompre de manière unilatérale la relation contractuelle liant la Ville de Fontainebleau et le prestataire EGS.

Si le juge précise bien que la Commune n’a commis aucun « faute » en mettant fin « aux irrégularités entachant la convention de délégation de service public conclue le 1er décembre 2004 », le Tribunal estime néanmoins que la rémunération du prestataire était due par la Ville de Fontainebleau : « les produits d’exploitation de l’année 2005 se sont élevés à 263 160,85 euros tandis que les charges de l’exploitation se sont élevées à 199 349 euros et que les produits d’exploitation de l’année 2006 se sont élevés à 296 477 euros tandis que les charges de l’exploitation se sont élevées à 241 734 euros ; que le bénéfice de l’exploitation du marché Saint-Louis a donc été de 63 811,85 euros en 2005 et de 54 743 euros en 2006 ; que, compte tenu des clauses contractuelles analysées au point 6, la SA EGS devait ainsi percevoir, au titre de la rémunération de l’année 2005, une somme de 197 370,98 euros au titre des produits d’exploitation ainsi qu’une somme de 31 905,93 euros au titre du bénéfice et, au titre de la rémunération de l’année 2006, une somme de 222 357,75 euros au titre des produits d’exploitation ainsi qu’une somme de 27 371,50 euros au titre du bénéfice ; qu’il résulte de l’instruction et n’est pas contesté qu’au titre des années 2005 et 2006, la SA EGS n’a perçu qu’une somme de 197 370,98 euros ; qu’elle a donc droit à une rémunération contractuelle supplémentaire de 281 635,18 euros (31 905,93 + 222 357,75 + 27 371,50)« .

En conséquence, la Cour Administrative d’Appel de Paris a condamné la Ville de Fontainebleau le 3 juillet dernier :

« Article 1er : Le jugement n°0704795/2 en date du 3 mars 2011, l’ordonnance n°0704795/2 du 15 avril 2011 et l’ordonnance n°0704795/2 du 17 mai 2011 sont annulés.

Article 2 : La commune de Fontainebleau est condamnée à verser à la SA EGS une somme de 281 635,18 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2007. Les intérêts échus à la date du 27 mai 2011, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les dépens, d’un montant de 24 230,96 euros, sont mis à la charge définitive de la commune de Fontainebleau.

Article 4 : La commune de Fontainebleau versera à la SA EGS une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions et des demandes présentées par les parties est rejeté. »

La somme totale, en prenant en compte les intérêts légaux et les divers montants, sera voisine de l’ordre de 350 000€ et acquittée par les Bellifontains. Cela fait cher pour avoir refusé de payer à un prestataire pour le travail qu’il avait fourni. Cela est d’autant plus cher si l’on ajoute les dizaines de milliers d’euros dépensés en frais d’avocats par les contribuables bellifontains dans cette affaire.

En conclusion, on pourra retenir plusieurs éléments :

1/ La Municipalité devrait faire preuve d’humilité sur sa capacité à gagner des procès. Lors du dernier Conseil Municipal, le Maire avait encore réévoqué fièrement l’affaire EGS en disant que la Ville avait tout gagné contre cette société qui faisait des recours inutilement… On rappelera également qu’au coeur de l’été, le Tribunal Administratif a invalidé l’élection des adjoints au Maire en 2008 (voir le blog de Monique Fournier).

2/ La Municipalité devrait se méfier des victoires faciles au Tribunal Administratif de Melun. Cette rupture unilatérale de contrat pour laquelle il n’y a pas de faute de la Commune mais avec indemnisation obligatoire du prestataire n’est pas sans rappeler l’éviction de Vinci. Au Tribunal Administratif de Melun, le juge a effectivement estimé que la Ville n’a pas commis de faute en mettant fin à la délégation de service public mais la question de l’indemnisation ne sera abordée qu’en Cour Administrative d’Appel, tout comme pour EGS… Pour Vinci, le risque financier pour la Commune est largement plus important puisqu’il s’établit à 2 500 000€ !

3/ Une transparence totale sur les actions en justice perdues et gagnées par la Ville est plus que souhaitable. Aujourd’hui, on entend beaucoup parlé des minis-victoires sur telle ou telle procédure mais l’omerta est totale lorsqu’il s’agit comme ici de montants importants où la Ville perd sur toute la ligne. De la même manière, la Municipalité ne fournit pas les éléments complets sur les factures et honoraires d’avocats, laissant craindre que d’autres « peaux de banane » soient encore dissimulées sous le tapis !