Recours et factures d’avocats : enquête sur un élément de communication municipale

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Cher tous,

Depuis des mois, l’élément de langage est martelé par l’équipe municipale : si rien n’avance à Fontainebleau, tout cela est la faute des « recours ». On lance ce terme à la cantonade pour justifier telle ou telle non-action ou lorsqu’un projet n’avance pas. En revanche, on se garde bien de mentionner que de nombreux projets n’ont jamais fait l’objet de recours et n’ont pour autant pas avancer : le Stade de la Faisanderie dont le permis de construire a été délivré en 2011 en est l’exemple le plus emblématique. Je ne citerai même pas la réfection des voiries dont bien entendu aucune n’a jamais l’objet de recours mais qui ne sont pourtant pas refaites. Passons.

Afin d’avoir une idée plus claire et surtout plus juste de la situation, mes collègues et moi avons sollicité la Mairie pour obtenir les factures d’avocats payées par la Ville depuis 2006, à défaut d’avoir jamais eu un récapitulatif exhaustif et précis de la situation. Je vous passe le détail du parcours du combattant : courrier au Maire restant sans réponse depuis plus d’un mois, saisie de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs qui nous donne raison et laisse deux mois à la collectivité pour fournir les éléments demandés, à l’issue, courrier au Président du Tribunal Administratif et, enfin, pour éviter une condamnation, la Municipalité s’exécute… partiellement. Bref, pour une demande datant du 30 novembre, les documents ont été délivrés le 25 juin. No comment.

Quels enseignements en tire-t-on ?

Le premier élément est que les chiffres sur lesquels la Municipalité communique (100 000€ de recours pour 2012, corrigé en 130 000€ quelques jours plus tard…), ne correspondent ni aux montants figurant dans les comptes de la Ville (les Grands Livres qui retracent les dépenses et les recettes), ni aux montants correspondant aux factures fournies.

Voici un tableau récapitulatif comparant les montants des factures fournies et les montants figurant dans les Comptes de la Ville :

NB : pour les années 2009 et 2010, la Ville n'a fourni que des factures communes, d'où un unique montant de 60 030€ inscrit pour 2009 et rien pour2010
NB : pour les années 2009 et 2010, la Ville n’a fourni que des factures communes, d’où un unique montant de 60 030€ inscrit pour 2009 et rien pour 2010

Que constate-t-on ? Qu’il existe des écarts importants entre les factures fournies et ce qui est inscrit dans les comptes de la Ville. Il ne reste que deux hypothèses : soit les comptes de la Ville sont faux, soit l’ensemble des factures d’honoraires n’ont pas été fournies. Je penche davantage pour cette seconde hypothèse, reflet du manque de transparence actuel. L’ensemble de ces factures sont, pour celles et ceux qui en douteraient, indiquées toutes taxes comprises. En 2012, le montant TTC dans les comptes de la Ville est donc de 96 529€ TTC et non de 130 000€ comme cela a été écrit jusque dans la presse locale.

Le second élément est que si l’on effectue une répartition, on constate une omni-présence d’un cabinet parisien en particulier, le cabinet Bardon-De Fay. Depuis 2006, plus des 3/4 des frais d’avocats générés par la Municipalité l’ont été au profit de ce seul cabinet. Cela représente près de 400 000€ d’argent public versé à un seul cabinet pour des frais de contentieux mais aussi de nombreuses consultations juridiques. Rien qu’en 2012, les consultations juridiques autour de la cession de Magenta par ce cabinet ont coûté plus de 5000€… pour une cession toujours pas effective ou encore 3229€ pour le Comité de Jumelage (on se demande pourquoi ?).

De même, près de 10 000€ ont été réglés à ce cabinet pour des procédures relatives au règlement intérieur du Conseil Municipal sur lesquels la Ville a finalement perdu pour ne pas avoir remodifié son règlement intérieur. Le rôle d’un conseil est également de savoir conseiller à son client de renoncer à une action en justice.

Listing Cabinet d'avocat

 

Comparé à d’autres cabinets, le montant des heures d’honoraires paraît élevé. Il serait bon pour revenir dans des gammes de prix « normales » de ne pas confier toutes les affaires à un cabinet ; d’autant que confier des plaintes pénales à un cabinet spécialisé dans le droit public est loin d’être la chose la plus logique qui soit.

Le troisième élément concerne les entités portant les recours. Rien qu’en 2012 encore une fois, 29 000€ sont le fait de l’éviction de Vinci pour la gestion du stationnement, 6450€ pour un contentieux avec la société Hydrogéotechnique (dont le Conseil Municipal n’a jamais entendu parler), 4485€ pour un contentieux de DS IMMO s’estimant évincé sur l’acquisition du terrain Decamps au profit de MM Vives & Devaux eux mêmes évincés par la suite par la Municipalité et qui ont donc engagé une procédure… ces contentieux n’ont donc rien à voir avec des motifs « politiques » et résultent des choix de gestion personnels de la Municipalité.

Dernier élément : ceux qui se plaignent des recours ne sont pas forcément les plus exemplaires en la matière. Le Maire a ainsi porté plainte contre deux particuliers sur la période 2006-2012, une pour « outrage » et la seconde pour « dénonciation calomnieuse ». On retrouve également en 2006 un contentieux issu d’un recours dont le Maire était porteur contre la Ville et qui datait certainement d’avant sa prise de fonctions à la Mairie. Trois recours ou plainte du Maire sont à comptabiliser sur la période 2006-2012. A titre de comparaison, nous n’avons jusqu’ici fait qu’une unique recours, concernant le dépôt par anticipation d’un permis de construire pour le multiplexe du Bréau et dont le fond n’a toujours pas été examiné… C’est toujours plus simple de dénoncer la paille dans l’oeil de son voisin plutôt que la poutre dans le sien.

Conclusion : Une omni-présence d’un cabinet d’avocats qui facture de nombreuses heures, des montants d’honoraires annuels dont une partie correspond à des consultations juridiques pas toujours utiles, des recours engendrés par la résiliation unilatérale de contrats avec certaines entreprises, des contentieux dont le Conseil Municipal n’est même pas au courant et des factures d’honoraires incomplètes par rapport à ce qui figure dans les comptes de la Ville et bien évidemment une communication. Il n’est pas à douter que l’obtention de l’ensemble de ces factures se révèlera fructueuse en information ! 

Ci-dessous, la liste des factures fournies par la Mairie :

Factures avocats 2006Factures avocats 2007Factures avocats 2008Factures avocats 2009-2010Factures avocats 2011Factures avocats 2012

Liste des honoraires mentionnés dans les Grands Livres de la Ville, par année et par cabinet d’avocats (élaborée par nos soins)