La contagion de la crise de la dette souveraine est-elle encore possible ?

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Cher tous,

En pleine tourmente de l’affaire DSK, ex-patron du FMI accusé de crime sexuel aux Etats-Unis, les dettes publiques européennes sont plus que jamais scrutées par les marchés : dégradations récurrentes de la note de la Grèce par les agences – américaines… – de notation, du Portugal et de l’Irlande, pays pour lesquels le FMI et l’Union Européenne ont dû voler au secours. Certains parlent de restructuration alors que d’autres pays y voient une opportunité, une forme d’impérialisme économique voire de conservation de privilèges exorbitants comme l’utilisation par les Etats-Unis du quantitative easing (la Fed achète des bons du Trésor américain, principe de la planche à billet) ou des droits de tirage spéciaux et du dollar comme monnaie de réserve ou de la non-flexibilité du yuan chinois (qui dévalue ainsi perpétuellement sa monnaie au fur et à mesure de sa croissance et accumule de vastes réserves de change au point d’être le 1er prêteur.. des Etats-Unis !).

Alors, l’amélioration est-elle possible et envisageable dans les semaines à venir ? Ces stratégies unilatérales sont-elles soutenables ?

En se plaçant de notre petit point de vue européen (pas si petit puisque le PIB de l’Union Européenne agrégée est le premier au monde), les choses vont mal. Chacun se regarde en chien de faïence, faire des efforts en interne tout en ne laissant pas trop tomber les autres pays pour ne pas être impacté soi-même. L’Allemagne demande aux pays du Sud de prendre moins de vacances et de travailler plus longtemps… de l’autre côté, le peuple grecque est à bout, en témoignent les mouvements sociaux de grande ampleur se multipliant.

Pourtant, chacun a intérêt à ne pas laisser tomber les autres pays de la zone euro. Pourquoi ? Parce que l’économie est inter-dépendante notamment sur les questions de dette souveraine. Le Financial Times publiait récemment une cartographie de l’exposition des banques nationales dans les autres pays européens.

Les données sont édifiantes : en Grèce, les banques françaises sont exposées à la dette grecques à hauteur de 53G$, les allemandes à hauteur de 34G$, les britanniques pour 13G$. Conclusion : il faut donc éviter que la Grèce restructure sa dette (ie en annule une partie unilatéralement) et donc que les pays prêteurs, directement ou indirectement via leurs banques, ne s’assoient pas sur un chèque en blanc.

Même phénomène pour l’Irlande : le Royaume-Uni est exposé pour 152G$, l’Allemagne 118G$, la France « seulement » 36,8G$…

Prenons le cas du Portugal : l’Espagne pour 86G$, l’Allemagne pour 36G$, la France 27G$…

Résumons : si la Grèce tombe, la France dit adieu a plusieurs dizaines de milliards d’euros et donc risque de voir sa note dégradée. Le lobby français face à l’Allemagne a donc été intensif. En revanche, l’Allemagne n’a pas rechigné à aller sauver l’Irlande vue l’exposition du pays là bas. Quant au Portugal, personne ne peut le laisser tomber car s’il tombe seul, l’Espagne est gravement impactée, hors tous les gros pays européens sont exposés pour plusieurs centaines de milliards (France : 141G$, Allemagne : 182G$, UK : 112G$).

En clair, les options ne sont maintenant plus très nombreuses pour que chacun récupère ses billes intégralement (est exclue la restructuration par conséquent):

1/ Les pays arrivent à se réformer de l’intérieur et à rétablir une situation financière saine : coupes dans les salaires, privatisations massives, réformes du secteur public… autant de « bombes sociales » difficiles voire impossibles à encaisser pour des pays européens habitués depuis l’après guerre à vivre dans l’opulence en réclamant toujours plus

2/ Les membres de l’Union Européenne acceptent et autorisent – à l’unanimité – la BCE à racheter, à la manière de la Fed américaine, des bons du Trésor national. A l’heure actuelle, la BCE en a acheté au compte-goutte, rien à voir avec les 3000G$ achetés par la Fed depuis 2008… Le problème sous-jacent a une telle action est de faire perdre en « crédibilité » la BCE face au monde financier et donc aux investisseurs de prêter moins facilement aux pays membres.

3/ Emettre des euro-bonds au niveau européen. Le souci est le manque d’incitation du système. Chacun pouvant s’appuyer sur la garantie des autres, certains pays risquent de ne pas jouer le jeu et d’adopter une stratégie de « passager clandestin », laissant les autres pays faire les efforts.

En conclusion, il est à l’heure actuelle difficile de voir la porte de sortie de l’Union Européenne. Les Etats sont liés partiellement, via leur monnaie, mais non via leur politique économique… ce qui est désastreux. La seule porte de sortie est donc plus d’Europe pour éviter les stratégies unilatérales ou continuer à s’enfoncer peu à peu, soit sur un front social, soit sur un front d’endettement. La chute n’en sera que plus douloureuse…

Pas très réjouissant tout ça, j’espère que mon analyse est fausse… En même temps, qui peut croire qu’en ayant 1€ dans son porte-monnaie, on peut en dépenser 2 et espérer qu’il n’y aura jamais aucune conséquence…

A suivre !