

Chères Bellifontaines, chers Bellifontains,
Après plus de quinze années passées au sein du Conseil municipal de Fontainebleau, d’abord dans la majorité, puis dans l’opposition, j’ai pris la décision de ne pas me représenter aux prochaines élections municipales. C’est une décision mûrement réfléchie, que je vous dois, par respect pour la confiance que vous m’avez accordée tout au long de ce parcours.
Je me suis engagé très jeune en politique locale, en 2008, dans l’équipe de Frédéric Valletoux, alors Maire, qui avait vu dans mon profil un renouveau : un jeune diplômé de l’École des Mines de Paris, attaché à sa ville et déjà passionné par la chose publique. J’ai occupé les fonctions de conseiller municipal délégué au développement durable, puis au numérique. En 2010, j’ai quitté la majorité municipale, refusant de cautionner le reniement des engagements pris devant les électeurs. Depuis, j’ai siégé dans l’opposition, avec constance, conviction et une profonde sincérité. Faire le choix de quitter le confort d’une majorité municipale pour défendre ses convictions est à la fois une fierté mais a été d’une dureté incroyable sur le plan moral, avec des procédés employés iniques à mon encontre que je ne soupçonnais même pas. La vie politique est une jungle où tous les coups, même les plus vils, sont légions.
J’ai mené de nombreux combats, toujours guidé par l’idée que Fontainebleau est une ville exceptionnelle, que son cadre de vie, sa forêt, son patrimoine et sa population cultivée et engagée méritent mieux que la gestion à courte vue qui domine trop souvent. J’ai défendu un urbanisme réfléchi, adapté à notre environnement unique. J’ai combattu les projets dispendieux, mal conçus ou motivés par des intérêts électoralistes. J’ai dénoncé la perte d’attractivité de notre centre-ville, le recul de la sécurité. J’ai proposé de nombreuses idées, parfois reprises sur le papier mais rarement bien exécutées faute d’y associer leur auteur.
Mais au-delà des projets, c’est une certaine idée de l’engagement politique que j’ai toujours défendue. Celle de la sincérité, de l’honnêteté intellectuelle, de la cohérence entre les paroles et les actes. Je n’ai jamais parlé pour plaire, ni promis pour gagner. J’ai toujours dit ce que je pensais, en regardant les gens dans les yeux, quitte à déplaire ou à perdre une élection. Pour moi, être élu n’est pas un but, mais un moyen : celui de servir une ville, pas de se servir.
Or, ces dernières années, j’ai vu le débat politique se refermer, les espaces de discussion s’assécher, l’opposition devenir un décor toléré mais jamais considéré. Avec 6 élus sur 33, représentant pourtant 40% des électeurs, notre voix n’a jamais été prise en compte. Nous ne sommes pas consultés, pas écoutés, pas associés à la réflexion municipale. Les règles ne sont pas conçues pour que tous les élus parlent sur un pied d’égalité mais pour que la majorité municipale dispose de tous les pouvoirs, sans avoir besoin d’y associer les oppositions. Cela n’est pas ma conception de la démocratie, censée représenter la voix de tous. J’ai personnellement consacré une grande partie de ma carrière à travailler sur les enjeux de transition écologique, dans le public comme dans le privé, mais jamais la majorité municipale n’a jugé utile de faire appel à mon expertise. Le seul qui a voulu le faire a été poussé vers la sortie.
Ce fonctionnement hégémonique, fermé à toute forme de contradiction, ne correspond pas à ma vision de la politique locale où, légitimement, on pourrait penser qu’il y a moins d’enjeux d’associer, sous une forme, les oppositions. Cela n’est pas le cas. J’ai toujours pensé que c’était du débat que naît la richesse des idées et la justesse des décisions. Malheureusement, la politique locale est de plus en plus dominée par des logiques de baronnies, des promesses électorales vidées de sens, des choix faits non pour construire l’avenir, mais pour assurer une réélection. Fontainebleau n’a pas changé depuis vingt ans. Nous sommes passés à côté de la modernité. Et cela me peine, car notre ville méritait mieux.
Ce constat, malheureusement, n’est pas propre à notre ville. Il est le reflet d’une crise politique plus large. Aujourd’hui, je ressens de la déception, parfois même du dégoût, face à une classe politique qui, à tous les niveaux, semble incapable d’être à la hauteur. Trop souvent, nos dirigeants, qu’ils soient locaux ou nationaux, donnent le sentiment de jouer un rôle plutôt que de servir un mandat. Ils renoncent à dire la vérité, à faire des choix courageux, à incarner une vision. Ce décalage entre la noblesse que devrait revêhir la chose publique et la médiocrité de sa mise en pratique conduit à une perte de sens, à un désintérêt massif, voire à une forme de rejet. Je le vois, je l’entends, je le ressens, comme beaucoup de Français et de Bellifontains. Et cela me révolte. Paradoxalement, cela conduit à élire des dirigeants toujours plus médiocres : si l’on part du constat, que font beaucoup, que tous les « politiques » mentent, alors c’est le plus menteur qui finira par gagner l’élection et susciter encore plus de rejet. Le cercle vicieux est sans fin…
J’irai au bout de mon mandat d’élu avec sérénité. J’ai la conscience tranquille. Un professeur de français me disait au lycée : « Cédric, ne perdez pas votre âme. » Je crois pouvoir dire que, malgré les coups, les déceptions et les difficultés, je n’ai jamais perdu mon âme. J’ai toujours travaillé mes dossiers, j’ai toujours respecté les habitants, j’ai toujours tenu mes engagements.
Je veux remercier chaleureusement les cinq membres de mon équipe qui siègent avec moi depuis 2020. Leur fidélité, leur engagement, leur travail ont été exemplaires. Je sais leur frustration de n’être jamais considérés, mais je sais aussi qu’ils ont porté nos idées avec dignité. Je remercie également tous les Bellifontains qui nous ont fait confiance, qu’ils aient voté pour nous ou non, mais qui ont su reconnaître le travail accompli avec sincérité.
Je ne quitte pas la chose publique. Dans mes activités professionnelles, j’espère continuer à avoir un impact concret sur la vie des gens. Je resterai un observateur attentif de la vie locale et nationale. Et je dis à ceux qui souhaitent s’engager : faites-le, mais faites-le avec sincérité. Ne bradez jamais vos convictions pour une voix. Dites la vérité, même si elle ne fait pas plaisir. C’est le seul chemin qui permette, un jour, de se regarder dans un miroir sans rougir.
Je forme aujourd’hui un vœu sincère pour l’avenir de Fontainebleau. Notre ville a tant de potentiel, tant de richesses humaines, naturelles et culturelles. Elle mérite une gouvernance à sa hauteur. Et ce renouveau, cette ambition retrouvée, ne pourront advenir qu’à condition de tourner la page. Le changement à la tête de notre commune est à mes yeux une nécessité absolue pour faire émerger une politique plus ouverte, plus honnête, plus audacieuse.
Avec toute ma considération,
Cédric Thoma